Le monde de Shawei

Fragments et fils jour 47 : Le COVID et la bête.

Confinement en France après 20 ans de Chine

 

Un test concluant sur les chiens qui pourraient détecter l'odeur du COVID-19 chez des personnes contaminées nous provient de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne. Le coronavirus a donc une odeur, voilà une caractéristique qui le rendrait presque honnête car on le sait l'argent n'en a pas et en soi l'argent n'est pas honnête, c'est son détenteur qui l'est ou ne l'est pas. Avec son invisibilité, même chez les porteurs sains, le COVID-19 nous semblait en effet pervers. En médecine chinoise on nomme d'ailleurs énergies perverses (Xie Qi) les causes externes naturelles qui lorsqu'elles correspondent à un excès, provoquent les maladies, il y en a six :  le vent, le froid, la chaleur, l'humidité, la sécheresse, la canicule. Le coronavirus qui déjà se rendait identifiable facilement par sa couronne devient donc honnêtement détectable. Encore faut-il compter sur l'intelligence animale. Dans notre pays cartésien, on utilise le même mot pour signifier animal et stupide mais ne soyons pas si bêtes les animaux ont des capacités que les recherches scientifiques récentes mettent à jour continuellement.

 

Les dauphins peuvent se reconnaître dans des miroirs. Les éléphants peuvent retrouver l'ensemble des points d'eau qu'ils ont rencontrés au cours de leur vie. Les poussins sont capables d'effectuer des additions et des soustractions en faisant la différence entre des groupes comptant plus ou moins d'objets ou d'oiseaux. Les chimpanzés savent se servir d'outils comme par exemple d'une noix de coco comme d'un verre. Les bonobos peuvent communiquer entre eux par des mimiques de visage. Les goélands peuvent casser un coquillage volontairement pour en déguster le contenu en le faisant tomber sur le sol. L'alouette des champs peut chanter avec plus de 700 notes différentes. Les rats peuvent dans certains tests cognitifs estimer leur niveau de connaissance faisant appel à la métacognition.

 

L'année 2020 est justement l'année du rat. Dans l'astrologie chinoise, les rats sont considérés comme très intelligents. Albert Einstein disait que " si  les rats pesaient 20 kg, ils seraient les maîtres du monde " ! Une blague sur les réseaux sociaux chinois raconte qu'en 2020 nous sommes vraiment comme des rats, nous ne sortons que pour aller chercher de la nourriture. Nous stockons ensuite notre nourriture pour la consommer plus tard. Et nous nous enfuyons dès qu'un humain s'approchent de nous. En 2021, il faudra travailler comme un boeuf et en 2022 il faudra être fort comme un tigre, conformément au cycle des douze animaux !

 

Ainsi si les chiens pouvaient flairer le coronavirus, ils mériteraient encore davantage leur qualificatif d'être l'ami fidèle de l'homme. Me concernant, j'ai une peur viscérale des chiens. Le moindre toutou m'effraie plus que la bête du Gévaudan ou la bête de l'Apocalypse. Je me demande si dans un contrôle canin, cette peur ne l'emporterait pas sur celle de la contamination. Car on peut se demander qui alors détectera le chien éventuellement contaminé à force de détecter le coronavirus ? En février, un chien positif au COVID-19 avait été mis en quarantaine à Hong-Kong même si le risque de contagion de l'animal à l'homme n'est pas avéré.

 

Lors du confinement en France, les chiens sont vraiment devenus de bons complices pour les êtres humains en permettant à ces derniers une sortie autorisée par jour, ou même plusieurs promenades. Mais c'est comme les joggeurs, je n'avais jamais vu auparavant autant de promeneurs de chiens dans la campagne angevine ou même à Angers, c'est à se demander d'où sortent tous ces chiens ? Est-ce qu'ils se repliaient dans la niche du jardin ou le confortable salon familial de leur maître ? Il y a ainsi des chiens domestiques plus intérieurs que d'autres.

 

Dans la maison de Soulaire, il y a Jazz, un border collie. Tout sauf un chien d'intérieur. Dans un groupe de confinement, il ne suffit pas de compter les humains, il faut aussi inclure les animaux domestiques tant ils ont une influence sur notre vie quotidienne. Avec Xin Xin, Long Long et mes parents nous sommes donc 7 en ajoutant Jazz le border collie et Mambo le chat.

 

Les chats et les chiens c'est comme le Yin et le Yang, il y a une différence en nature. En général les gens aiment soit les chats, soit les chiens, même si on peut aimer les deux aussi, ou aucun des deux. Quand je pose la question à Long Long sur sa préférence il me dit : "Je préfère les chats car ils ne mordent pas ". Me concernant, je n'aime pas les chiens. Mais j'ai jamais tué d'chiens, ou alors il y a longtemps (dans une vie antérieure ?) ou bien j'ai oublié. En fait, je choisis les chiens que je finis par aimer. Les chiens n'ont-ils pas comme les humains une âme individuelle avec laquelle on peut avoir une connexion singulière ?

 

Xénophane nous livre dans " Les présocratiques " un visage inconnu de Pythagore dont notre mémoire traumatisée d'écolier ne se souvient que du théorème (c'est le syndrome de stress mathématique post-traumatique), :

 

" On raconte qu'un jour passant près de quelqu'un qui maltraitait son chien, rempli de compassion Pythagore prononça ces mots : Arrête de frapper ! Son âme je l'entends, est celle d'un ami que j'ai pu reconnaître aux accents de sa voix. "

 

Le mathématicien grec, en plus de croire à la réincarnation, était en effet végétarien :

 

Pour preuve les écrits de Cicéron :

 

" Pythagore et Empédocle, ainsi que tous les philosophes italiques, retiennent qu'il y a une communauté non seulement réciproque et vis-à-vis des dieux, mais aussi vis-à-vis des animaux qui n'ont pas le don de la parole. Il y a en effet un seul esprit, comme une âme, répandu dans tout l'univers, et qui nous unifie avec eux. En les tuant et en se nourrissant de leur viande, nous commettrions injustice et impiété, comme si nous tuions des consanguins ; d'où leur exhortation à s'abstenir des êtres animaux et leur affirmation que ces hommes qui font rougir l'autel avec le chaud sang des bêtes commettent une injustice. "

 

Ma préférence naturelle va ainsi vers les chats, probablement parce qu'il y avait toujours des félins domestiques à la maison grâce à ma mère. J'ai toujours aimé leur discrétion et leur côté Yin. Dans la maison de campagne de Soulaire, je peux ne pas apercevoir Mambo le chat noir pendant toute une journée mais je sens tout de même sa présence, presqu'un invisible, comme si un lien télépathique m'unissait à lui. Car les chats, dont on dit qu'ils auraient été créés par les anciens Egyptiens, possèdent bien des pouvoirs mystérieux. 

 

Avec Jazz le border collie, c'est une autre histoire. Il est aussi présent, envahissant que Mambo est absent, discret. Le border collie est considéré comme le plus intelligent des chiens domestiques. Il est en fait un chien de berger et sa nature pastorale originaire des frontières entre l'Ecosse et l'Angleterre où sa race a été sélectionnée il y a deux siècles, est donc de courir après les troupeaux pour conduire le bétail, en particulier les moutons. Jazz a la particularité d'avoir les yeux vairons, ce qui accentue le côté Yin Yang de son pelage noir et blanc. Mais son caractère rappelle davantage une musique lancinante de John Coltrane qu'une musique rythmée de Miles Davis. C'est qu'il semble souvent avoir le mal de sa contrée d'origine, c'est-à-dire le Vercors où il vivait avec ma soeur avant d'immigrer en Anjou. Jazz préfère de toute évidence la rigueur vercusienne de la bergerie isolée à la douceur angevine de la petite maison dans la prairie.

 

Mais cette inadaptation locale de Jazz n'a pas valeur de règle : mes amis Catherine et Damien qui élèvent des Huskies à Challain-la-Potherie, ces chiens de traîneau qu'on imaginerait plutôt dans les neiges québécoises, organisent d'incroyables excursions dans la campagne angevine en cani-rando ou cani-kart. De façon exceptionnelle, j'aime intuitivement les Huskies, est-ce en raison de  leur proximité avec l'esprit du loup  ? Cet esprit si bien décrit dans le roman chinois de Jiang Rong " Le dernier loup" dont l'adaptation cinématographique par Jean-Jacques Annaud a été un grand succès en Chine.

 

Le border collie est normalement extrêmement énergique, acrobatique et athlétique. Mais depuis que Jazz a rencontré Long Long il y a trois ans, ces trois qualificatifs semblent plutôt appartenir au second qu'au premier. C'est bien plutôt Long Long qui court en effet après Jazz, en constatant ironiquement que l'animal chinois de mon fils est le mouton. Long Long et Jazz s'entendent en fait très bien, et ont au moins en commun deux jeux favoris. Le premier est de courir après la voiture - les border collies étant connus pour substituer les véhicules motorisés au bétail dans leur nécessité vitale de courir après quelque chose - le deuxième est de sortir de la propriété juste avant que le portail électronique ne se renferme totalement,  ce qui vaut à notre groupe de confinement quelques situations épiques pour faire revenir l'enfant parti dans les champs et la bête partie sur le chemin des Caillardières.

 

En général un chien reste plutôt derrière le portail en bon gardien des lieux. Dans la mythologie grecque Cerbère n'est-il pas ce chien à trois têtes gardant l'entrée des Enfers, empêchant les morts de s'échapper de l'antre d'Hadès et les vivants de venir récupérer certains morts ? Mon ami anthropologue allemand Marcel avait tenté en juillet 2009 de nous emmener moi et Olivier Chouteau à la nuit tombée entre chien et chat dans une montagne près de Bonn pour trouver l'entrée d'un enfer du passé, celui d'un camp de travail souterrain où le régime Nazi avait confiné des scientifiques pour concevoir les missiles V1 et V2. Etait-ce l'effet de notre imaginaire développé par des fumigations de plantes ancestrales dont Marcel avait le secret, lorsque je crus voir, Olivier crut entendre et Marcel crut sentir un énorme chien jaune qui nous fit rapidement rebrousser chemin ?

 

Bien entendu notre confinement angevin n'est pas un huis-clos sartrien infernal. Et la compagnie affectueuse du border collie faisant le bonheur enfantin de Long Long fait tout aussi bien le mien. Je suis persuadé que bien des chiens et des chats adoucissent actuellement le confinement solitaire de nombreuses personnes qui n'ont pas la chance d'être en groupe. Le COVID-19 n'a qu'à bien se tenir, la bête sait aussi être l'allié de l'humain.

 

 

Jazz

 

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03/05/2020
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