René-François SULLY PRUDHOMME, Le vase brisé
Le dimanche 12 août dans une rue de Dalian, mon ami Gael me récite spontanément lors d'une discussion le poème préféré de son père disparu en juin dernier. Ces vers semblant venir de l'au-delà ont alors résonné en moi comme un doux remède venant soulager par des mots les maux de mon coeur.
Le voici :
René-François SULLY PRUDHOMME (1839-1907) Le vase brisé
Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut effleurer à peine :
Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute ;
N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n'y touchez pas.
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