Le monde de Shawei

L'espace-temps angevin

Journal de lecture du livre L'églantine et le muguet

 

Les premiers chapitres évoquent des personnages historiques angevins familiers dont j'ai croisé le destin maintes et maintes fois en circulant dans l'espace du centre-ville d'Angers.

 

Sur la petite place qui fait face à la maison d'Adam, se trouve la statue de l'Evêque Freppel qui fut le fondateur en 1875 de la catho, selon le nom local donné à l'une des plus anciennes universités du Grand Ouest qui inaugura la toute nouvelle loi de cette année-là sur la liberté de l'enseignement supérieur en France. Danièle Sallenave cite ainsi Mgr Freppel, dont la statue veille encore sur le devenir angevin, Mgr Freppel, pour qui "la régénération de la France ne sera possible que par l'éducation chrétienne de la jeunesse". (p. 23-24) Il est vrai que les religieux de l'époque considèrent Angers comme une ville de plaisirs plutôt que d'études, Angers est l'une des villes les plus dangereuses pour la jeunesse, écrit alors l'Evêque de Quimper... Ce n'est qu'en 1971 que sera créée une université d'Etat à Angers, l'une des rares villes françaises à posséder à la fois une université publique et une université privée à savoir l'Université Catholique de l'Ouest. Cette dualité éducative est celle d'une rivalité historique symbolisée dans le titre du livre : le muguet du premier mai qui supplante sous Vichy l'églantine socialiste... c'est aussi le résumé des grands affrontements de notre histoire nationale. (p. 20)  

 

Dans le quartier de la Doutre, il y a une autre statue d'un personnage portant mon patronyme qui ne m'a donc jamais laissé indifférent : Garnier, le médecin des pauvres dans le quartier déshérité de la Doutre. (p. 24) Cette simple phrase me laisse sur ma faim et je voudrais en savoir plus...

 

Cet été, le déboulonnage de statues dans le monde suite aux manifestations anti-racistes m'a tout de même laissé perplexe, ne vaudrait-il pas mieux instruire et raconter plutôt qu'effacer les témoignages matériels de l'histoire ?

 

Dans la salle de mariage de la mairie d'Angers, il y a un tableau commenté par l'archiviste et historien du XIXe siècle Célestin Port qui avait attiré particulièrement mon attention en 2017 car j'y avais retrouvé le prénom français donné à mon fils (en songeant à Célestin Freinet). Danièle Sallenave se réfère à son Dictionnaire historique, géographique et biographique du Maine-et-Loire comme d'un livre de chevet : A peine arrivée dans "ma" maison, j'ouvrirai mon Célestin Port à la notice "Epiré". (p. 27)

 

Le chapitre 4 nous parle de la façon dont les transports modernes ont réduit temporellement le territoire angevin :

 

La Révolution, puis la république, ont mis l'accent sur le développement des transports, des routes, plus tard du chemin de fer. Le comte de Falloux dans ses Mémoires raconte qu'en 1830 pour aller de Segré à Angers (35 kilomètres) on mettait deux jours. Il fallait prendre la diligence au Lion-d'Angers, donc arriver la veille avec sa propre voiture et y dormir. (...) Aujourd'hui c'est tout à fait différent. (...) Pour aller travailler, ou faire ses courses dans les grands centres commerciaux, tout le monde circule vite et sans arrêt sur ces collines aplanies d'où on ne voit même plus la vallée. (page 33-34)

 

La réflexion sur l'accélération moderne du temps du philosophe Gaston Berger me revient à l'esprit :

 

L'originalité de la période à laquelle nous vivons ne réside pas pas d'ailleurs dans le fait que le monde change, ni même qu'il change de plus en plus vite. Ce qui est nouveau, c 'est que l'accélération est devenue immédiatement perceptible et qu'elle nous affecte directement. Elle est maintenant à l'échelle humaine : s'il a soixante ans un de nos contemporains a vécu dans trois monde ; s'il a trente ans, il en a connu deux.. L'homme a mis des milliers d'années pour passer de la vitesse de sa propre course à celle que peut atteindre un cheval au galop. Il lui a fallu vingt-cinq ou trente siècles pour parvenir à couvrir 100 kilomètres dans une heure. Cinquante ans lui ont suffi pour dépasser la vitesse du son.

 

(Phénoménologie du temps et prospective, PUF, p. 221)

 

Cela semble d'une vérité criante aujourd'hui alors que Gaston Berger écrivait déjà cela en 1957... De nos jours avec internet, c'est désormais le savoir humain qui circule à grande vitesse.

 

Le grand mérite de mon confinement angevin du printemps 2020 aura été de redécouvrir l'Anjou à la vitesse d'une marche ou d'une course à pieds. Et pendant cet été de post-confinement, là où d'ordinaire je n'aurais pas hésité à parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour me rendre dans une autre région de l'hexagone, une vingtaine de kilomètres en voiture m'a comblé pour explorer le Haut-Anjou, ses rivières, ses forêts et mêmes ses nombreux dolmens (dont on a tort de penser qu'ils ne sont que bretons) comme celui de la pierre Cisée à Soucelles, à seulement 18 kilomètres de Soulaire, où l'on dit que seize personnes pouvaient y danser... voilà en tout cas un monument de l'histoire indéboulonnable...

 

IMG_1242

 

 

 

 

 

 

 



30/08/2020
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 32 autres membres