Le monde de Shawei

Cœur chouan

Journal de lecture du livre L'églantine et le muguet

 

Danièle Sallenave révèle dans le chapitre 6 une obsession et peut-être la raison cachée de ce livre à savoir la guerre de Vendée. Le titre du chapitre cite l'avocat Barère qui présida le procès de Louis XVI et incita les députés à voter sa mort : " La Vendée et encore la Vendée, voilà le chancre qui dévore le coeur de la République. " Pour l'académicienne angevine, la guerre de Vendée est en effet aussi une guerre angevine, une guerre qui s'est déroulée " chez nous ". Dans un livre rare datant de 1826 que j'ai trouvé cet été lors d'une reconstitution historique d'une bataille entre des Chouans et des Républicains au château du Plessis-Bourré, L'Ouest dans la tourmente, la guerre civile française, 1793-1815, Achille Darmaing écrit :

 

Quoique la guerre civile n'ait point reçu sa première impulsion du département de la Vendée, et que les événements décisifs ne se soient pas passés sur son territoire, il a cependant donné son nom à cette guerre, parce que ses habitants y ont pris la part la plus active, la plus générale et la plus opiniâtre. Sur les 750 communes de ces quatre départements, 480 ont contribué à l'insurrection, dont 143 dans le département de la Vendée, 130 dans celui du Maine-et-Loire, 87 dans les Deux-Sèvres, et 80 dans la Loire-Inférieure.

 

Ainsi la confidence de Danièle Sallenave résonne fortement en moi : Je retourne sans cesse contre moi-même et l'idéal républicain la phrase vengeresse de Barère qui voulait, lui, en finir avec le soulèvement : je ne peux, moi en finir avec la guerre de Vendée. C'est la pierre d'achoppement sur quoi butent nos idéaux de justice et de fraternité.

 

En ce 08 novembre 2020, l'anniversaire de la mort de ma grand-mère vendéenne de Machecoul que j'accompagnai jusqu'au dernier souffle il y a un an, me ramène à ces racines chouannes qui ont toujours vibré en mon for intérieur comme une profonde identité semblant incompatible avec mon éducation républicaine. Et pourtant, la barbarie islamiste qui a frappé la France le 16 octobre 2020 avec la terrible décapitation de l'enseignant Samuel Paty m'a fait comprendre à quel point j'étais un enfant de la République. Mieux, mes nombreuses années d'enseignement de la langue et de la culture françaises auprès d'étudiants étrangers, en particulier chinois, m'ont permis de donner des cours avec cette ouverture d'esprit qui caractérise l'école républicaine française, cette ouverture d'esprit que Samuel Paty avait en abordant avec ses élèves le sujet sensible des carricatures du prophète Mohamed. Mais si la liberté d'expression trouve ses limites dans le respect de la culture et de la religion d'autrui, quelle leçon mérite une telle mise à mort ? Parce qu'en France nous ne voulons pas sacrifier la liberté de blasphème, il faudrait sacrifier la vie d'enseignants ou de carricaturistes ? Non, ni la liberté de blasphème d'un côté, ni la dénonciation d'un dessin provocateur, de l'autre côté, ne sauraient justifier un meurtre sauvage au nom d'une religion. Admettre que l'une ou l'autre cause justifie une violence légitime serait admettre la possibilité d'une guerre civile telle qu'elle semble s'installer dans les esprits en France. On se demande ainsi si le reconfinement actuel annoncé par une sombre synchronicité le 28 octobre la veille d'un autre attentat à Nice, ne lutte pas autant contre le virus d'une pandémie que contre le virus du terrorisme islamique. Une guerre civile débute lorsque l'on doit faire un choix entre deux camps comme les Chouans durent le faire quand la révolution de 1789 qui pourtant prenait son origine dans les doléances du peuple, aboutit à sacrifier de façon blasphématoire le Roi de France vénéré par les populations catholiques de l'Ouest. Les Chouans étaient prêts à mourir pour défendre leur foi catholique reposant sur la figure du Roi.

 

Mais il est curieux qu'avec Barère, un même homme cherche à la fois à tuer la cause et l'effet, en provoquant en même temps la mise à mort du Roi et le génocide d'un peuple se soulevant contre le régicide que Barère déclenche lui-même. Carrier fut cet autre bourreau des Chouans qui mena les colonnes infernales à Nantes dans un pur but d'extermination et au moyen de la Terreur sans même que son procès en 1794, qui le mena à la guillotine, ne le remette en cause un seul instant, faisant de son procès celui de la jeune République : Tout est coupable ici, jusqu'à la sonnette du Président.

 

Il y a donc bien un péché originel de la République et être angevin, nantais ou vendéen, c'est-à-dire avoir un cœur chouan, c'est porter singulièrement en soi cette contradiction d'une République fondée sur une guerre civile et le génocide révolutionnaire. Pour en finir avec la guerre de Vendée, il faut donc tirer la leçon de l'histoire et faire en sorte que la République ne lutte pas contre un effet dont elle serait la cause : à faire de la liberté de blasphème un dogme dans une sorte de "laicisme", ne prend-on pas le risque de générer une violence non nécessaire ? Historiquement on a vu en effet que la République est avant tout victime de ses propres excès, sans pour autant négliger cet autre excès qu'est l'Islamisme dont la terreur est pour ainsi dire pandémique et déborde largement du cadre de la laicité française...

 

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L'espace-temps angevin

 

 

 

 

 

 



08/11/2020
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